Rétrospective 2014 : l’Inde de Modi
Assurément, l’Inde aura été marquée par l’élection de Narendra Modi au poste de Premier ministre en cette année 2014. Au sein de la République indienne, c’est lui qui tient de facto les rênes du pouvoir exécutif tandis que le président, Pranab Mukherjee, dispose d’un pouvoir formel et symbolique. Personnage controversé, il suscite l’espoir de millions d’Indiens mais aussi la défiance et la crainte dans la communauté musulmane du pays et dans la presse occidentale. Dans ce contexte de retour au pouvoir du BJP (parti nationaliste hindou), quels sont les grands axes annoncés de la politique de Modi qui façonne l’Inde de demain ?
Le 26 mai 2014, Narendra Modi était investi des fonctions de Premier ministre de l’Inde. Son parti, le Bharatiya Janata Party, retrouve la direction du gouvernement central après dix ans de domination du Congrès national indien au sommet de l’État. Au sein de la « plus grande démocratie du monde », les attentes et les espoirs entourant cette élection sont immenses. En effet, l’Inde possède la seconde population la plus importante après la Chine mais 59 % des Indiens vivent avec moins de 2 dollars par jour. La réduction drastique de la pauvreté est donc le premier objectif du nouveau Premier ministre indien. Pour cela, Modi entend redynamiser la croissance du pays (actuellement à 5 %) qui connaît un ralentissement depuis 2010 (plus de 10 %). Il s’agit du principal enjeu de son mandat car, en tant que grand émergent et puissance régionale, l’Inde ne peut pas se permettre de se passer d’une croissance élevée.
L’impératif est d’abord économique. La priorité consiste à industrialiser massivement le pays pour booster la croissance. C’est pourquoi l’administration Modi prévoit de développer les infrastructures insuffisantes du pays, d’amorcer le grand chantier de la simplification administrative nationale et régionale (véritable serpent de mer indien) et d’assouplir le carcan juridique indien. Les IDE sont les bienvenus pour l’homme d’affaires Modi mais l’implantation de grandes compagnies étrangères sur le sol indien est vue d’un mauvais œil par le nationaliste Modi, adepte du patriotisme économique. En matière de défense et de politique étrangère, l’homme du Gujarat (l’État ouest-indien qu’il administrait depuis 2001) souhaite une Inde forte et indépendante. Il souhaite augmenter sa coopération avec ses partenaires asiatiques comme le Japon et Singapour mais tend aussi la main au rival chinois. Avec le voisin pakistanais, Modi adopte une attitude ferme mais non hostile.
Modi, l’incarnation du smart power à l’indienne.
Sa campagne présidentielle, conduite d’une main de maître, et ses talents d’orateur démontrent que le nouvel homme fort de l’Inde fascine presque plus qu’il ne fait peur. À la fois stratège de la communication, homme d’affaires pragmatique et nationaliste hindou, il possède les qualités d’un grand chef d’État. Surtout, Narendra Modi a compris qu’il lui fallait user de l’ensemble des outils du smart power pour faire émerger une Inde nouvelle qui concilie vastes programmes d’importations d’armes et diplomatie culturelle via Bollywood et son ministère du yoga et de l’Ayurveda. Son succès dépendra de sa capacité à fédérer plus qu’à marginaliser tout en se prémunissant des ultras islamophobes de son parti. Avec Modi, l’histoire de l’Inde opère un virage périlleux. Pour le meilleur ou pour le pire, personne ne saurait le dire. Sans aucun doute, une nouvelle Inde avec laquelle il faudra compter.